17 Avril 2011
Nous reproduisons ci-dessous l'intervention de Georges Ibrahim Abdallah, et de son collectif de soutien, faite à l'occasion du meeting "Les luttes populaires au Maghreb" du 15 avril 2011. Evènement co-organisé par le collectif Coup Pour Coup 31 et le Secours Rouge Arabe.
Intervention de Georges Abdallah pour le meeting du 15 avril 2011
Cher(e)s camarades, cher(e)s ami(e)s,
En l’espace de quelques semaines tout un monde a changé : du Maroc au Yémen, de la Tunisie à Oman, de la Jordanie à l’Irak et à Bahreïn, de l’Algérie à la Syrie et au Liban, et l’Égypte
redevient "Oum el dounya",
la Mère du monde.
C’est toujours vrai : si les conditions sont bonnes "une étincelle peut mettre le feu à la plaine" et du coup, celle-ci n’est plus ce qu’elle était ; elle a complètement changé, et tout le
monde ou presque est pris au dépourvu… Qui aurait pu imaginer, il y a seulement quelques mois, que Moubarak et sa clique seraient amenés en prison ou devant un juge en Égypte ! Et
oui, camarades, Moubarak et ses deux fils et la plupart de sa clique sont déjà en prison ou en résidence surveillée en Égypte. Cette Égypte qui, en un rien de temps, s’est débarrassée de sa
peur et de sa torpeur. Hier encore, le rapport des Nations unies "sur le développement humain en Égypte" disait à propos de la "culture de peur" que moins de 3 % seulement des Égyptiens
sont disposés à signer une pétition de protestation ou à participer à une manifestation…, moins de 3 % seulement !
Et la voilà aujourd’hui, "Oum el dounya", avec ses millions d’hommes et de femmes dans la rue incarnant et amplifiant à l’infini l’indignation et la révolte de l’Immolé de Sidi Bouzid ; et
de la place Tahrir à toutes les villes du monde arabe la révolte se propage et la détermination s’affirme; et du coup, la peur change de camp. Rien ne sera plus comme avant ; ni les
baltagia [voyous du pouvoir] et autres nervis des régimes en place depuis une éternité, ni les milliers des moukhabarat [police secrète] ou autres services de répression ne pourront
endiguer le torrent révolutionnaire des masses populaires.
Camarades, de derrière ces abominables murs où je me trouve depuis un certain temps, je ne peux qu’être admiratif et quelque peu émerveillé devant l’ampleur de ce mouvement et l’émergence
devant nos yeux de ce monde arabe nouveau. Bien entendu, à partir d’une prison, il est toujours assez difficile de saisir la complexité d’un processus révolutionnaire en cours, à plus forte
raison si l’on se trouve à l’aube d’une nouvelle époque. La crise mondiale du capitalisme qui a éclaté en 2008 constitue le cadre global de toute cette nouvelle époque. Et tout
naturellement le changement en cours dans le monde arabe s’inscrit d’emblée comme facteur déterminant dans le cours de cette crise. Abordées sous cet angle, les tâches des révolutionnaires
et plus particulièrement des communistes, des deux bords de la Méditerranée, devraient inciter les uns et les autres à mettre l’intérêt international du prolétariat au premier plan de leurs
activités. Tout au long de ces parcours de lutte où les soulèvements de masses dans les différents pays arabes constituent seulement des moments distincts dans le cheminement du processus
révolutionnaire aussi bien national qu’international, les discussions, les débats ainsi que l’élaboration des diverses perspectives communes seront appelés à être intensifiés en vue d’une
meilleure disposition des forces anticapitalistes, anti-impérialistes.
Plus que jamais, camarades, affirmons le combat commun au quotidien et faisons en sorte que chaque pas en avant pour les uns le soit aussi pour les autres.
Camarades, nous ne sommes qu’au début d’une longue phase de transition entre un monde arabe déjà mort et un autre tout juste naissant… Nous voyons à l’œil nu l’interpénétration des traits
pourris de cette époque révolue et pas encore complètement enterrée et les traits à peine dessinés de ce nouveau monde en devenir… Certainement la transition, comme toujours, est fonction
des aléas des rapports de forces réellement existants entre les composantes sociales des divers pays arabes dans le cadre global de la crise mondiale du capitalisme. Tout naturellement,
face au mouvement révolutionnaire des masses populaires, la dictature des
régimes capitalistes en place peut tomber plus rapidement dans un pays que dans un autre…, seulement ce qui est inéluctable pour l’avènement du nouveau monde arabe c’est la chute de tout ce
système capitaliste qui n’est plus qu’un ensemble de facteurs en crise explosive.
Camarades, ensemble nous vaincrons, et certainement ce n’est qu’ensemble que nous vaincrons !
À bas les dictateurs et leurs régimes capitalistes !
À bas les impérialistes et leurs chiens de garde !
Non à toutes les interventions militaires impérialistes sous n’importe quelle forme !
Honneurs aux martyrs et aux masses populaires en lutte !
Ensemble, camarades, nous vaincrons !
Mes salutations les plus chaleureuses à vous tous, camarades !
Votre camarade Georges Abdallah
Intervention du CLGIA pour le meeting du 15 avril 2011
A l’occasion de ce meeting, le Collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah tient à exprimer sa solidarité avec les peuples en lutte actuellement au Maghreb et au Machrek. Et nous rendons hommage à celles et ceux qui tombent sous les balles de la répression des régimes réactionnaires arabes.
Georges Abdallah est un militant communiste arabe en détention en France depuis 1984.
Son combat dans les rangs du Front Populaire pour la Libération de la Palestine a débuté dès les années 70 au Liban contre les sionistes et leurs collaborateurs libanais.
En 1978 il fut blessé lors de la première invasion sioniste du Liban. Les militants de la Gauche révolutionnaire libanaise, alliée aux Palestiniens, ont combattu, et jusqu’à aujourd’hui, la politique expansionniste israélienne relayée par leurs alliés d’extrême droite libanais. L’engagement de Georges Abdallah et de ses camarades s’est toujours situé aux côtés des combattants palestiniens et malgré un rapport de force inégal avec l’ennemi, ils ont pu lui infliger de lourdes pertes.
En 1982 une nouvelle invasion israélienne plus meurtrière et dévastatrice amplifie la mobilisation des résistants. Les combats sont acharnés jusqu'au cœur de Beyrouth.
Les sionistes multiplient les massacres de civils avec la complicité de leurs agents libanais ;
à Sabra et Chatila dans la banlieue de Beyrouth des milliers de réfugiés palestiniens sont massacrés.
De 1981 à 1984 Georges Abdallah et ses camarades, les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), décident de frapper des agents impérialistes en Europe.
Arrêté le 24 octobre 1984, Georges Abdallah fut condamné une première fois en 1986 à quatre ans de prison pour usage de faux papiers et détention d’armes et d’explosifs. Cette peine est trop clémente au goût des États-Unis. Les services secrets français découvrent alors opportunément des armes qui permettent de rejuger Georges Abdallah. Il inaugurera ainsi la nouvelle Cour d’assises spécialement créée par le ministre de la justice de l’époque pour juger les atteintes à la sûreté de l’État et sera condamné en 1987 à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité d’assassinat dans l’exécution d’un agent des services secrets israéliens en France et de l’attaché militaire étatsunien à Paris.
Rappelons une fois de plus que Georges Abdallah et sa famille ne sont en rien responsables de la série d’attentats qui ensanglanta Paris à cette époque.
Depuis, par ses déclarations diffusées lors de meetings et de manifestations, Georges Abdallah n’a cessé de dénoncer la politique de l’impérialisme au Moyen Orient et plus généralement dans le monde arabe.
Aujourd’hui, ses propos résonnent avec une particulière acuité. En Tunisie, en Egypte, en Libye, au Yémen ou à Bahreïn, les peuples se soulèvent contre la misère, l’injustice sociale et la corruption des dirigeants. Ces mouvements pourront-ils entraîner un renversement des fondements de la dictature et apporter un réel soutien à la lutte de libération nationale du peuple palestinien ? L’ouverture de la frontière de Rafah par exemple en serait une preuve d’évolution positive.
Les processus révolutionnaires en cours sont confrontés à des interventions multiformes de l’impérialisme. Nous, Collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah, dénonçons toute ingérence de l’impérialisme français en Afghanistan, en Libye et en Côte d’Ivoire, que ce soit ou non dans le cadre de l’OTAN.
Le combat pour la libération de Georges Abdallah doit s’inscrire dans ce soutien aux révolutions arabes en cours et témoigne de notre engagement anti-impérialiste.
Vive la solidarité internationale des peuples !
Libération de toute la Palestine !
Libération pour Georges Ibrahim Abdallah !